Être autodidacte au piano

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Article écrit par Noah Deacon

Un phénomène relativement nouveau émerge depuis plusieurs années dans le secteur de la musique : l’apprentissage du piano sans solfège, de façon autonome et solitaire. S’inscrivant dans la tendance de plus en plus affirmée de l’auto-formation, facilitée par la production des outils numériques, le concept fait de plus en plus d’adeptes. Il propose une nouvelle voie, séduisante mais énergivore, à ceux qui souhaitent développer leur sens artistique en dehors des carcans traditionnels. En effet, l’apprenant qui choisit cette voie doit s’armer de patience et travailler dur pour parvenir à un résultat concret. Ce qui ne semble pas pour autant freiner l’ambition des nouveaux venus puisque nous assistons à une montée en force du concept dans beaucoup de pays. Sans doute cette nouvelle tendance puise-t-elle son ascension dans un certain désintérêt pour l’éducation musicale traditionnelle.

Les difficultés rencontrées par les écoles de musique

Les écoles de musique connaissent des difficultés depuis plusieurs années ; la perception des élèves sur leur fonctionnement révèle des failles que le numérique est en mesure de combler.

Par exemple, 45% des élèves considèrent que le conservatoire a une orientation trop professionnelle, rendant l’apprentissage trop rude. Au problème des méthodes pédagogiques vient s’ajouter celui des goûts musicaux des élèves, qui sont également un facteur primordial.

Il n’est pas nouveau que les écoles de musique font majoritairement apprendre en premier lieu des oeuvres classiques, ce qui tend à être en décalage complet avec les goûts musicaux des apprenants, souvent jeunes et en quête de musiques récentes. Les chiffres sont à cet égard significatifs : 53% des musiciens abandonnent leur apprentissage au conservatoire entre 15 et 24 ans parce que ce qu’ils apprennent à l’école de musique ne correspond pas à leur univers musical.

Cela combiné au fait qu’il faut en majorité au moins 3 ans d’étude théorique pour bien connaître le solfège, il n’est pas étonnant que les élèves soient rapidement démotivés par les modes d’apprentissage traditionnels. Enfin, un troisième problème se dégage : celui de la démocratisation liée à l’apprentissage de la musique. En moyenne, l’accès à une école de musique coûte 800 € par an, ce qui représente une somme colossale lorsqu’on la compare au SMIC français (1498 € brut/mois).

Il en découle une interrogation légitime sur le profil sociologique des élèves en école de musique. Les études menées sur le sujet ont montré que 70% d’entre eux appartiennent aux classes aisées et moyennes. Nous pouvons aisément en déduire que l’apprentissage musical souffre cruellement d’une facilité d’accès pour les ménages en difficulté financière, qui représentent pourtant plus de 20% des ménages français.

Les internets et leurs nouveaux modes d’apprentissage

Ces différents constats nous mènent à nous intéresser aux innovations technologiques et plus précisément aux solutions numériques proposées aujourd’hui. L’explosion numérique a impacté toutes nos habitudes. Parmi elles, les nouvelles formes d’apprentissage connaissent une transformation sans précédent. Que ce soit au niveau de la formation professionnelle ou à celui des formations liées à ses hobbies, le numérique a favorisé l’émergence d’un nouveau phénomène : l’auto-formation. Le secteur de l’apprentissage musical s’inscrit dans cette nouvelle approche.

Le piano, instrument joué à plus de 60% par les musiciens, en fait pleinement partie. Le web 2.0 a laissé une plus grande place à la voix des utilisateurs “lambda” et c’est dans ce contexte que naissent et se déploient à une vitesse fulgurante les tutoriels faisant apprendre le piano sous format vidéo. Chez elles, les personnes se prennent en vidéo et jouent pas à pas une musique spécifique, après quoi elles importent leur tutoriel sur des plateformes vidéos, notamment Youtube.

De cette manière, le tutoriel est disponible pour tous les utilisateurs qui fréquentent le site. Par un processus mimétique, ceux-ci doivent alors reproduire les notes jouées par l’auteur de la vidéo sur une séquence donnée, la répéter jusqu’à la maîtriser, puis passer à la séquence suivante. Ce mode d’apprentissage, qui peut sembler laborieux, se révèle en fait performant au fur et à mesure que le cerveau s’y habitue. Après quelques musiques apprises de cette façon, le joueur assimile beaucoup plus vite les suivantes. Cette pratique connaît un grand succès auprès des internautes désintéressés ou démotivés par les écoles de musique. En témoignent les nombreuses vues de ces tutoriels sur Youtube, qui en atteignent fréquemment des centaines de millions.

La notoriété du concept sur Youtube a engagé plusieurs sociétés à se lancer dans l’apprentissage du piano sans solfège, à travers la réalisation de logiciels pensés pour rendre l’expérience du joueur plus confortable. Ces outils abondent sur internet et gagnent de plus en plus d’adeptes.

Mourad Tsimpou : représentant d’un phénomène grandissant

Il a fallu attendre la très récente vidéo du jeune marseillais Mourad Tsimpou, dans laquelle il jouait la Fantaisie Impromptue de Chopin au piano, pour que la tendance connaisse un retentissement médiatique d’ampleur.

Ce jeune, issu des quartiers nords de Marseille, illustre bien les nouveaux modes d’apprentissage du piano et leurs performances.

Apprenant le piano à l’oreille et sans partitions, Mourad Tsimpou est l’exemple même de l’attrait qu’éprouvent les nouvelles générations pour ce nouveau concept. Dans les années à venir, il se pourrait même que la notoriété de son histoire accélère la croissance du phénomène.

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Je suis Noah, un simple passionné de jazz qui a découvert ce genre musical en école de musique pendant mes cours d’histoire du jazz. J’ai commencé par regarder la complexité des partitions lorsque ce n’était pas de l’improvisation.